L’article 162bis, alinéa 2 du Code d’instruction criminelle (ci-après « l’article 162bis, al. 2 ») a été introduit par la loi du 21 avril 2007 dans l’ordre juridique belge. Le droit limité du prévenu acquitté d’obtenir la condamnation de la partie civile au paiement d’une indemnité de procédure a donné lieu à plusieurs constats d’inconstitutionnalité par la Cour constitutionnelle[1]. Récemment modifié en vue notamment de tenir compte de cette jurisprudence[2], il dispose à l’heure actuelle que :
« La partie civile qui aura lancé une citation directe ou qui a greffé une action distincte sur une citation directe lancée par une autre partie civile, ou qui, en l’absence de tout recours du ministère public, du prévenu ou du civilement responsable, aura interjeté appel et qui succombera, pourra être condamnée envers le prévenu ainsi qu’envers le civilement responsable à l’indemnité visée à l’article 1022 du Code judiciaire. L’indemnité sera liquidée par le jugement. »
Dans son arrêt n° 164/2019 rendu le 7 novembre 2019[3], la Cour était appelée à répondre à une double question préjudicielle relative à compatibilité de cette disposition avec le principe constitutionnel d’égalité de non-discrimination consacré aux articles 10 et 11 de la Constitution et le droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le tribunal correctionnel de Liège (section Liège), l’interrogeait plus précisément sur la différence de traitement existant entre d’une part le prévenu acquitté après avoir été renvoyé devant le tribunal correctionnel par une juridiction d’instruction qui ne dispose pas du droit d’obtenir une indemnité de procédure de la partie civile qui a mis l’action en mouvement par une constitution de partie civile et d’autre part, le prévenu acquitté par le tribunal correctionnel après avoir été cité directement par la partie civile (question 1) ou la personne qui bénéficie d’une décision de non-lieu au terme d’une instruction initiée par une plainte avec constitution de partie civile (question 2), auxquels l’article 162bis, al. 2 accorde ce droit à charge de la partie civile (B.3).
Ces questions portent donc sur l’absence de droit à l’indemnité de procédure à charge de la partie civile pour le prévenu acquitté après avoir été renvoyé devant le tribunal correctionnel au terme d’une instruction mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile.
La Cour débute son raisonnement en précisant la portée de la loi (B.5) et en rappelant l’objectif du législateur (B.6). Elle en déduit que ce dernier a pu raisonnablement décider de ne pas soumettre le ministère public à l’obligation de payer automatiquement une indemnité de procédure si son action n’aboutit pas et de n’y contraindre la partie civile que si elle seule a mis l’action publique en mouvement (B.7).
Or, la Cour estime que « la constitution de partie civile entre les mains d’un juge d’instruction ne peut être considérée comme étant la seule à l’origine de l’action publique introduite en première instance, à partir du moment où la chambre du conseil a décidé le renvoi devant la juridiction de jugement » (B.9.3). En cas de renvoi par la juridiction d’instruction, la partie civile n’est en d’autres termes pas la seule responsable de la mise en mouvement de l’action publique, et, par conséquent, des frais et honoraires d’avocat exposés par le prévenu (B.9.3).
La Cour confirme par conséquent la position exprimée dans ses arrêts n° 182/2008 du 18 décembre 2008, n° 13/2009 du 21 janvier 2009, n° 28/2009 du 18 février 2009, n° 49/2009 du 11 mars 2009, et n° 66/2009 du 2 avril 2009 (B.9.4).
A l’appui de cette conclusion, elle insiste sur le fait qu’à la différence d’une action civile menée devant une juridiction pénale, l’action civile intentée devant le juge civil ne peut jamais se greffer sur une action publique qui a été mise en mouvement soit par le ministère public, soit par une ordonnance de renvoi (B.9.4). Par ailleurs, le fait que le ministère public ait éventuellement envisagé de classer sans suite ou de ne pas poursuivre, n’est « pas pertinent pour conférer à la constitution de partie civile, au moment où elle a été formée entre les mains du juge d’instruction, un rôle déterminant dans la poursuite de la procédure » (B.9.5).
La Cour répond donc négativement aux questions préjudicielles posées.
[1] Voy. Cour const., arrêts n° 174/2013 du 19 décembre 2013, n° 113/2016 du 22 septembre 2016 et 33/2017 du 9 mars 2017, disponibles sur www.const-court.be.
[2] Art 6 de la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, de la procédure pénale et du droit judiciaire, M.B., 2 mai 2018, p. 37217. Voy. Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2753/001, pp. 10-11 et Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2753/005, p. 17.
[3] C. Const., arrêt n° 164/2019 du 7 novembre 2019, disponible sur www.const-court.be.